Partant d’un univers phonique en osmose avec la matière organique, qui construit et déconstruit sans cesse l’image et son environnement, Rudy Decelière nous propose de manière subtile le fond et la forme à peine dégagés de leur gangue.
On se prend à rêver à un long voyage où l’on perdrait le fil de la pérégrination dans la confusion du temps et de l’espace, devenus imperceptibles et néanmoins indissociables.
Le son nous apporte des nouvelles d’un monde sous-marin ou la terre qui supporte la masse aquatique nous fait part de ses spasmes.
L’artiste, pour un instant funambule, devient musicien et se risque au positionnement sonore sur des fils itinérants – l’image prend vie quand l’oreille s’ouvre aux sons.
Equilibre précaire entre une forme matérialisée, concrète, et son contraire, qui échappe à la structuration.
Nous sommes dans un univers poétique où le langage, quoique codifié, nous laisse de manière fugitive entrevoir la différence existant entre une lecture et une autre – de la même manière notre interprétation se réfugie dans l’intimité du laboratoire des sens.
Philipe Jaccottet pourrait nous dire « Quelqu’un tisse de l’eau avec des motifs d’arbre en filigrane, j’ai beau regarder, je ne vois pas les mains de la tisserande, elles aussi invisibles ».
Bien sûr dans ce travail, il y a aussi les hommes et leurs doigts de titan qui font claquer l’acier sous les meules du temps, rythmant ainsi les saisons et la vie.
C’est sous cette forme que je perçois ce monde, un univers sans fin, un univers sans foi prescrite et sans loi établie – c’est ce que Rudy Decelière nous donne à entrevoir des lieux où le début et la fin demeurent les éléments fertilisants et régénérateurs d’un hypothétique recommencement.
J.G. Cecconi
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